J’ai découvert le Qi Gong, « par hasard », au cours d’un stage où m’avait entraînée une amie -c’était à La Réunion, en 1995- . Ce qui surtout me frappa (le mot n’est pas trop fort), ce fut la découverte d’une façon de bouger, de se déplacer, de se « poser », aussi légère et gracieuse que simple et naturelle, et qui de plus semblait facile, accessible. Je pensais à ma mère, que j’avais vue si longtemps souffrir, de ses problèmes articulaires, de son corps si souvent fatigué. Je prenais conscience aussi de mon propre corps, souvent maladroit, gauche, emprunté, étranger à moi-même au fond. Et cela n’était donc pas fatal.
C’était comme si un espace de réconciliation s’ouvrait à moi. Je percevais confusément ce que j’ai pu formuler de mieux en mieux au fur et à mesure de la pratique régulière qui s’ensuivit : le corps pouvait être habité totalement, pleinement, harmonieusement, sereinement, par la vie, en dehors de tout critère esthétique ou fonctionnel.
Ainsi commença la belle aventure du Qi Gong, qui se révéla infiniment plus riche et bénéfique que je ne l’avais soupçonné alors, et qui encore aujourd’hui ne cesse de m’émerveiller.
Le Qi Gong, qu’est-ce que c’est ?
Qi : c’est l’énergie – les Chinois traduisent Qi par Souffle de vie – , présente partout, tout autour de nous, ainsi qu’à l’intérieur du corps humain .
Gong : se traduit par travail, maîtrise.
Le Qi Gong (QG) est donc une pratique corporelle – le corps n’étant pas séparé de l’esprit et du cœur dans la pensée chinoise – qui a pour objectif d’entretenir, voire améliorer notre circulation énergétique, afin de « rester en forme », ou, lorsque des ennuis de santé apparaissent, de mettre en œuvre des exercices de régulation appropriés.
Car pour la médecine traditionnelle chinoise (MTC), dont fait partie intégrante le QG au même titre que l’acupuncture, la phytothérapie et la diététique, le corps humain a la capacité de s’auto-guérir en permanence, tout au long d’une durée de vie estimée à 120 ans en moyenne. Et le QG aura pour rôle, en cas de déséquilibre organique ou fonctionnel, de l’aider simplement à (re)mettre en œuvre cette capacité d’auto- réparation.
Comment ça fonctionne
La circulation de l’énergie dans le corps humain obéit à des lois extrêmement précises et rigoureuses, qui ont été l’objet d’études et d’expérimentations chinoises pendant des millénaires.
Deux circuits principaux, dans un système d’une immense complexité : celui entre les 5 organes vitaux (reins foie cœur rate poumons) et celui qui parcourt les méridiens principaux- voies de circulation à la périphérie du corps, reliés aux organes.
Les expérimentations chinoises ont conduit à cette loi simple (en apparence):
Si la circulation énergétique est fluide dans ces 2 circuits, nous sommes en bonne santé. Si au contraire un blocage énergétique survient dans un méridien ou dans un organe, on ne tardera pas à se sentir affecté : inconforts, tensions, douleurs, fragilité émotionnelle et psychique… (Ces blocages pouvant être provoqués soit par des causes externes – accidents, météorologie, nourriture inadaptée, pollution…- , soit par des causes internes -stress, émotions …) .
D’où l’intérêt d’agir vite, dès les premières alarmes, pour éviter l’aggravation.
Le rôle de la prévention
L’énergie vitale- le Qi-, personne ne peut la définir, la cerner et la science n’a jamais réussi à en percer le secret ni à la créer de toute pièce.
Mais le travail du Qi Gong nous fait percevoir, de manière de plus en plus fine et parfois surprenante, ses différentes manifestations, et ce faisant, nous familiarise avec notre « lieu de vie » et ses conditions de fonctionnement. Il nous incite aussi à l’optimiser, en s’entraînant à améliorer la circulation énergétique globale, et en choisissant les outils qui nous conviennent le mieux suivant les moments.
Ainsi le rapport à la nourriture va peu à peu devenir plus conscient, plus juste par rapport à nos besoins, et quand on sait que l’énergie apportée par les aliments est l’une des 2 sources qui nous maintiennent en vie – avec l’air-, on comprend son importance . Quant à l’air, nous allons nous rendre compte que nous devenons plus exigeants en ce qui concerne nos possibilités d’infléchir notre environnement, ou en tout cas de ne pas le subir. Il est par exemple impossible d’avoir envie de fumer lorsqu’on pratique le QG depuis plusieurs années : la toxicité des goudrons sera immédiatement ressentie et insupportable et, de plus, on va trouver les moyens de guérir une addiction.
C’est finalement toute la vie, ou plutôt ce que l’on nomme parfois « hygiène de vie », qui se trouve peu à peu ordonnée, orientée par ces lois énergétiques que l’on ne choisit pas et que l’on apprend à respecter. Même les relations sociales et affectives y gagnent : on privilégie, de plus en plus naturellement, tout ce qui nous nourrit, nous fait du bien, nous épanouit, plutôt que l’inverse.
Ainsi va l’énergie, qui fait toujours de son mieux si on le lui permet.
Mais toute vie humaine est jalonnée d’incidents ou d’accidents de parcours, plus ou moins graves, et même si l’hygiène de vie est irréprochable – paradoxalement, selon la conception chinoise du Yin et du Yang, il n’est pas souhaitable non plus qu’elle le soit-, même si elle joue à merveille son rôle préventif et peut éviter bon nombre de pathologies voire de drames, elle ne pourra pas, la plupart du temps, en éviter la totalité .
C’est ici que le deuxième aspect du QG entre en jeu.
La boîte à outils
Ce sont des exercices simples, accessibles à tous : auto- massages (sur les points d’acupuncture ciblés) ; mouvements doux (étirements des méridiens) ; postures statiques (centrage et enracinement) ; exercices respiratoires (pour régulariser, approfondir, maîtriser la respiration) ; exercices spécifiques pour apaiser les émotions (sons thérapeutiques ) ; marches rythmées ; méditations taoïstes ; enchaînements récapitulatifs plaisants et ludiques…
Tout cela sans effort, (l’énergie choisit toujours la voie du plaisir plutôt que celle de l’ascèse), en jouant parfois (les Anglais disent « Play Qi Gong ») …et en souriant (le sourire intérieur taoïste est un Qi Gong à lui tout seul). Comment ne pas être séduit…
En effet, les résultats sont assez vite sensibles, pour peu que l’on pratique avec régularité.
La sensation de bien-être, d’abord, d’harmonie, entre toutes les composantes, physiques, mentales, émotionnelles de notre être, ainsi que dans les mouvements.
Cette sensation résulte de l’action conjuguée de l’attention et de la respiration qui accompagnent systématiquement la pratique du QG.
L’attention, d’abord, mobilisée en permanence, ce qui a pour effet de développer la conscience corporelle, à la fois dans sa globalité-très agréable sensation d’unité- et dans ses diverses composantes. Une présence à soi-même accrue, qui s’accompagne d’un sentiment de sécurité bien confortable, dans la mesure où les sensations et les émotions pas toujours agréables qui surviennent dans le quotidien sont accueillies avec confiance au lieu de la tentation habituelle de fuite anxieuse : ces états pénibles sont toujours l’indication d’un déséquilibre qu’on sera à même de rétablir avec les différents outils que nous offre le Qi Gong.
La respiration est l’un de ces outils. Comme elle est un miroir fidèle de nos états intérieurs, physiques ou émotionnels, (toute sensation désagréable provoque un blocage du diaphragme et donc de l’amplitude respiratoire), le seul fait de demeurer conscient de sa respiration à chaque instant conduit à dénouer peu à peu les tensions, en douceur.
La douceur est aussi l’une des caractéristiques du Qi Gong. C’est la « voie de l’eau », selon l’expression de la pensée chinoise : les objectifs que visent les différents exercices seront atteints pour chacun à son rythme propre, en fonction de ce que son corps permet à chaque moment sans générer de tension ou de douleur. « Le confort d’abord », répétait souvent Vlady Stevanovitch , un grand maître de QG et de Tai Chi.
Certaines personnes sont rebutées par cette douceur justement, par le rythme le plus souvent très lent des mouvements (mais pas toujours, voir par exemple certaines marches rapides). Mais en fait, dans chaque exercice, un travail interne très intense est mis en œuvre. Par exemple, la posture statique de l’Arbre , posture de base, utilisée aussi dans les Arts Martiaux, posture aux bienfaits ,prescrite dans les hôpitaux en Chine pour les convalescents, qui agit entre autres sur la circulation du sang, et provoque souvent chaleur et transpiration.
Je dois pour ma part à cette posture de l’Arbre d’avoir pu retrouver un sommeil longtemps perturbé à la suite d’une opération.
Car le QG est d’un grand secours pour les divers désagréments de la vie quotidienne. Outre l’amélioration du sommeil citée, je peux aussi témoigner du soulagement spectaculaire d’une tendinite de l’épaule, ainsi que de douleurs dorsales. La liste serait trop longue de toutes les affections qui peuvent être concernées, sans oublier les troubles émotionnels dont la MTC a révélé le rôle déterminant dans l’apparition de nombreuses maladies et dysfonctionnements.
(c’est un peu la dimension « psychosomatique » de la médecine occidentale, vis-à-vis de laquelle celle-ci est souvent démunie) .Notons que la politique de santé de certains pays comme l’Allemagne ou la Suisse reconnait l’efficacité du QG en assurant la prise en charge des cours par les assurances sociales .
Certes, le QG n’empêche pas, comme il est dit plus haut, tout déclenchement de maladie, ni le vieillissement et la mort. Mais il permet d’alléger considérablement le lot des souffrances et malaises quotidiens. Il permet aussi de rester relié à ce petit soleil du cœur qu’est la joie de vivre. Et il pourrait largement contribuer à résoudre ce que l’on appelle familièrement le trou de la sécu.
Petite anecdote : J’ai été en proie il y a quelques temps à un malaise soudain et très angoissant, lié à un pb de digestion en l’occurrence facile à identifier. Je me trouvais dans le train, à 2 doigts d’appeler le contrôleur car je me sentais très mal. Et puis j’ai pensé à « ma boîte à outils », notamment au massage de l’estomac, de ses méridiens, et à un exercice réputé « Séparer les mains ». Je suis allée aux Toilettes, (je n’allais tout de même pas me donner en spectacle ! ) et je me suis mise au travail ! Et tout doucement j’ai senti les tensions et nausées diminuer, puis disparaître, ainsi que l’angoisse !
J’ai repensé à cela en entrant dernièrement dans une pharmacie où des dizaines de médicaments étaient présentés sous l’étiquette « Digestion ». Certes, les médicaments peuvent être utiles voire indispensables dans certains cas, mais combien de soucis, bénins, comme celui-ci, pourraient être soulagés avec la médecine naturelle et gratuite du QG, comme ce fut le cas pour moi ce jour-là. Et ceci est valable dans de nombreux domaines de la santé.
En ce qui concerne le vieillissement, notons que nombre de problèmes de santé considérés comme fatalement liés à l’âge peuvent être améliorés par le QG (assouplissement articulaire, mobilité et coordination, mémoire, etc.) . Des formations et un livre remarquable du Dr Y.Requena Le QG anti-âge font le tour de cette question en donnant de très nombreux éclairages et outils.
Un monde apaisé
Qui ne s’est pas senti parfois désemparé ou déstabilisé par l’impact de certaines émotions comme la peur, la colère, le stress, la tristesse… Les émotions sont « normales » et saines face aux évènements de la vie qui ne se déroulent pas toujours selon nos souhaits. Mais elles deviennent délétères quand elles restent actives longtemps après que l’évènement se soit produit, ou bien s’il s’agit d’expressions violentes comme la colère par exemple, qui peut « mettre hors de soi », et conduire à des comportements graves et parfois irrémédiables.
Le Qi Gong , à partir de la lente et subtile élaboration de l’alchimie taoïste, a mis au point une méthode de transformation des émotions impressionnante , utilisant le pouvoir vibratoire de certains sons pour rétablir l’équilibre qui a été mis à mal. Chaque émotion étant reliée sur le plan vibratoire à un organe spécifique, il s’agira, lorsque l’organe concerné (par exemple le Foie pour la colère) est affecté par l’émotion excessive, de le réharmoniser en émettant le son qui correspond à son état de bonne santé. Un son spécifique pour chaque organe, associé à une couleur (pouvoir vibratoire également), à un geste (stimulation du méridien concerné), et à une intention ( visualisation de l’énergie lourde que l’on remplace par celle à laquelle on aspire ). Aucune analyse psychologique n’est nécessaire, aucune recherche pénible de responsabilités dans ce travail de clarification, le mental est au repos…. On s’applique juste à mettre en vibration l’appareil vocal (certes un apprentissage technique est nécessaire) en résonance avec l’organe.
Et ça marche !
Si l’on considère nombre de fléaux sociaux*tels que les suicides, les féminicides, les addictions au tabac, à l’alcool, on voit à quel point des états émotionnels devenus pathologiques peuvent avoir des conséquences terribles : désespoir, dépression, colères violentes non maîtrisées…
Et au fond, la plupart des violences, à petite ou grande échelle, si l’on y réfléchit bien, ne proviennent-elles pas de ce fond d’humanité archaïque d’émotions primaires…
* Suicides : 24 par jour en France -Source : Santé Publique 2019) ;
Féminicides : 146 par jour en 2019, chiffre en augmentation- Source Le Monde 2020 ;
Addictions liées au tabac : 205 morts par jour liées au tabac – Source France Info ;
Addictions liées à l’alcool : 109 par jour. Source Sciences et Avenir 2019.
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